Le 22 juin, le saule pleureur près du poulailler est tombé. Il a abattu le grillage et transformé le lieu des poules en une jungle soudain dense et nouvelle - désormais là depuis toujours. Une saison des pluies au mois de juin. Le temps à l’orage n’y a rien fait. Il était vieux. Le tronc par endroits sonnait creux. Nos climats sont en train de muer. L’air est lourd, tout chargé d’humidité. Ce saule pleureur avait de la majesté. Il donnait au sortir de la maison l’ombre et la fraîcheur d’un cours d’eau. Dans son aire j’aurais installé une table de jardin. Une table blanche où s’assoir et prendre un café. Ou un thé glacé. Un espace qui déjà appelle le sauvage et l’humide, entre la cours de ferme, et le pré, avec le vieux poney et le cèdre bleu qui penche drôlement. Le saule à terre, l’orée d’un lieu où s’enfoncer. On voudrait savoir quoi photographier et tout parait sans intérêt. Et puis soudain, sans avertir quelque chose, un saule à terre, appelle une prise de vue.
Le Mur
L’espace devant le mur reste vide. Comme en attente. En réalité, je sais dès le départ qu’il restera vide. Par un bel après midi de mai, dans ces moments où je me laisse distraire par la lumière, j’y place une plante et je la photographie avec mon téléphone. Voilà, ce sera la seule photo. Je le sais immédiatement. Une image qui préfigure le projet désaffecté. Le mur, jaloux, ne veut aucun autre sujet que lui même.
Morning Fog
Ce matin, le brouillard, un souffle sur la Seine. Il refluait vers l'est. Mais tant qu'on était proche, on pouvait le sentir, respiration vivante, instillant en nous une présence étrange. Le lien maintenant palpable, au fleuve, aux berges, au ciel qui ne peut le retenir. Se peut il que l'image ne soit vraiment possible que lorsque nous sommes pris dans le souffle de cette respiration?
La main du photographe
Est il encore possible de photographier une Vahiné à Tahiti aujourd'hui ? Photographier l'image en train de se faire permet-il de se rapprocher du réel ? Utiliser un vieil F2 et un film 3200 ASA pour photographier la prise de vue digitale change-t-il quelque chose à l'affaire ? Et puis finalement, ces questions ne m'intéressent pas beaucoup. C'est surtout la main du photographe que je regarde. C'est son intensité qui me rapproche du réel. Elle me rappelle qu'avant d'être un regard, le photographe est un corps en action.
Making of Shooting Institut du Monoï / Photographe Bruce Soyez Bernard / Modèle Vaitea
Ailleurs
Rester quand les autres partent. Déambuler quand il n'y a plus grand chose à faire. Rester malgré tout. Après les conversations, les rires, les connivences. Et laisser enfin l'ailleurs se manifester.
INTERDIT
Etre interdit. Selon le Larousse : éprouver un grand étonnement et ne plus savoir ce qu'on doit comprendre ou faire.
Vivant
Après l'attentat, les gens, place de la République, s'arrêtent, l'air un peu hagard, comme réveillés en pleine nuit.... Certains, peut-être plus vivants, font la queue pour écrire quelques mots dans un livre... Qu'est devenu ce livre? A qui écrit-on ? Et si l'encre sur le papier pouvait insuffler de la vie quand celle-ci semble refluer?
Images Secrètes
Une femme nue qui prend la mesure de son corps en plein musée, ça interpelle encore, même aujourd'hui. Les visiteurs passent leur chemin, un peu gêné, ou osent le smartphone. Moi, je suis resté. Non seulement je suis resté mais j'y suis retourné plusieurs jours de suite. Non pas avec un smartphone mais avec un appareil photo. Avec une présence tellement forte qu'il est probable que certains visiteurs pouvaient penser que je faisais, moi aussi, parti de la performance. Pas loin de la vérité. Les images et les mots ? Et bien ceux ci ne seront visible que dans le cercle privé. Jamais exposés en dehors. Des images secrètes en somme.